Journal

03/06/2014 - Photos

Une ferme en plein Détroit

par Nora Mandray, DIY Manifesto

Georgia Street - Le jardin des merveilles communautaires


Le « wild wild East » de Détroit, au sud de l’ancien aéroport, est un quartier peu recommandable si l’on en croit le bruissement des balles qui s’y perdent de temps à autres… Dans cet environnement hostile, Mark Covington a construit en l’espace de trois ans, un joli bout de jardin communautaire, une serre et même une véritable ferme.

Mark a toujours vécu à Georgia Street, entouré de sa famille. Ici, tout le monde le connaît et le salue, comme par cette chaude matinée d’août. L’heure pour Mark de nourrir ses volailles et de nous conter son histoire. « Tout a commencé quand je me suis fait virer de la boîte où je travaillais, en décembre 2007. A l’époque, j’avais un bon boulot, payé 14 dollars de l’heure, je voyageais pas mal. Le côté moins sympa, c’est que je nettoyais des conteneurs contaminés… Un jour, on m’a demandé de faire un boulot vraiment trop risqué, j’ai refusé et je me suis plaint à la direction. Le lendemain, on m’avait rayé du listing pour non-respect des consignes de sécurité… C’est comme ça que je me suis retrouvé au chômage ».

« Cet hiver là, je voyais s’accumuler des tas de déchets en face de chez moi, à peine recouverts par les flocons de neige. Je me suis donné comme mission de nettoyer tout ça et de planter un jardin potager à la place. C’était en avril 2008. Puis les choses sont allées très vite. J’ai rejoint le « Garden Resource Program ». Pour 20 dollars, j’accède à une grande quantité de graines et de plantes, en plus de pouvoir assister à des formations pour des gens comme moi, qui cultivent en ville. C’est là que j’ai tout appris, le reste est venu à force de travailler la terre ».

« Aujourd’hui, j’ai plus de 60 poulets dans ma ferme. J’ai prévu de l’agrandir, je veux récupérer une chèvre, je n’ai qu’un mâle et je rêve de faire mes propres fromages ! En théorie, c’est interdit d’élever des animaux à Détroit… (la mairie de Détroit a lever l'interdit il y a quelques mois). Mais, dans la rue, il n’y a que quatre maisons habitées : les voisins n’ont rien contre mes bêtes… et les enfants en sont fans ! ».

Cet activiste du bio cultivé en communauté organise très régulièrement des ateliers, confections de conserves ou de confitures, des cinémas en plein air et même des prières. Le centre communautaire de Mark, où les enfants du quartier peuvent venir faire leurs devoirs et apprendre l’informatique, sort aussi de la boîte à idées de ce fermier des temps modernes. « Les enfants sont très impliqués dans le jardin. L’école publique locale s’y est mise aussi, les élèves viennent ici pour leur classe de jardinage. C’est drôle, au début ils n’étaient pas du tout intéressés : cultiver un jardin, c’est pas comme à la télé, y’a moins d’action ! ‘c’est super lent!’ râlaient-ils. Mais dès que les semis pointent le bout de leur nez, les gamins sont tout excités ! Surtout, ils sont surpris par le goût des vrais légumes ! ».

Avec son jardin en accès libre, Mark a changé le visage de son quartier. Georgia Street semble pacifié et embelli depuis que des pouces verts se sont mis à la culture de la terre… Et ça n’est que le début : depuis notre visite, Mark est devenu membre du réseau des apiculteurs de Détroit et forme d’autres néophytes à l’art de s’occuper des abeilles. Il a également agrandi sa palette d’activités pour toucher le troisième âge. Enfin, il s’apprête à réhabiliter plusieurs maisons voisines à l’abandon dès qu’il aura réuni les fonds nécessaires.