Journal

03/06/2014 - Photos

L’Atelier paysan

par Hélène Bienvenu, DIY Manifesto

Des outils agricoles en open-source


Le relief du Vercors d’un côté, les douces collines de Chambaran de l’autre. Au milieu, le plateau isérois à hauteur de Tullins. C’est dans ce décor de carte postale qu’évolue Antony, maraîcher de 37 ans, heureux propriétaire de quatre outils agricoles qu’il a construits lui-même.

Installé depuis trois ans, cet agriculteur néophyte a appris à concevoir ses outils de travail grâce à une formation dispensée par l’Atelier paysan (ex Adabio Autoconstruction), groupement d’agriculteurs biologiques en Isère. Depuis qu’il est rodé, Antony donne volontiers des coups de main à son tour. « Quand on sait construire ses outils, on sait aussi les réparer. Ceux que l’on trouve sur le marché ne sont pas toujours adaptés, ils sont surtout très chers ! ». Ce paysan bricoleur cultive 4,6 hectares de terres en agriculture biologique. Sans atteindre le SMIC horaire, il est d’ores et déjà satisfait de sa reconversion.

A la droite d’Antony, c’est Joseph, ancien maraîcher passé maître ès autoconstruction au sein de l’Atelier paysan et venu prodiguer quelques conseils à son apprenti. « Au fil des innovations technologiques, nous nous sommes affranchis des contraintes de la nature mais certaines pratiques ont détruit le sol. Aujourd’hui, on en revient » constate-t-il. Une des parades est née il y a trois ans, lorsque Joseph et ses camarades ont organisé leur premier stage d’auto construction agricole. Un succès bientôt transformé en SCIC (une société coopérative d’intérêt public) baptisé l’Atelier paysan, fondé il y a trois mois. La structure donne désormais 25 formations par an dans toute la France. 8 à 12 participants apprennent en une semaine à construire eux-mêmes les outils nécessaires au maraîchage (bio).  En l’échange de 2 000 euros de matériaux - le coût pédagogique du stage étant généralement pris en charge dans le cadre de formations agricoles - chacun acquiert un précieux savoir-faire et repart avec un pièce DIY.

Ces stages sont à portée de tous selon Joseph : « On fournit le matériel et surtout on est là pour apprendre. Même à souder ! ». D’autant plus que dans le commerce des outils de cette trempe frisent les 5 000 euros. L’Atelier paysan se veut une passerelle entre tous ceux qui cultivent la terre, les « anciens » comme les « modernes » et prévoit l’accompagnement de ses stagiaires « on finalise l’appropriation des savoirs sur les lieux » pécise Joseph. L’Atelier paysan œuvre pour le « libre » agricole, les biens communs et la réapropriation des outils agricoles, ses membres ont conçu au fil des stages des dispositifs pratiques, modulables, libres de droit. Ils peuvent être attachés à un tracteur grâce à un attelage, appelé triangle.

« On travaille dans une dynamique collective : on élabore ensemble des plans, on teste les outils, que chacun est libre de modifier. Cette mise en commun a déjà permis de faire évoluer les outils ». Une dynamique alimentée par un forum, de nombreux tutoriels en ligne ainsi qu’un livre édité récemment. L’an dernier, la structure dégageait un surplus de 5 000 euros, réinvestis dans la recherche et le développement du libre agricole. Un début encourageant face à une demande croissante, qui va bien au delà du simple maraîchage.